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  • Claude Mermod

Etat des lieux

Dernière mise à jour : 27 janv. 2020

Un vieil article du Code pénal instrumentalisé


La Confédération suisse n’a pas de loi pour encadrer le suicide assisté tel que pratiqué de nos jours. Dans ce vide juridique, la légitimité de l’aide au suicide ne tient que par l’article 115 du Code pénal promulgué en 1942 :

« Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire ».


Trois quarts de siècle plus tard, on s’évertue à légitimer l’organisation d’aide au suicide pratiqué à grande échelle, et cet article a été astucieusement exhumé à des fins qui n’avaient pas été voulues par son législateur.


La face cachée des votations cantonales


L’opinion publique est profondément divisée sur la pratique du suicide assisté en Suisse et cela tient beaucoup au manque d’information dans la population. La volonté de nos autorités fédérales de ne pas légiférer s’avère contre-productive dans la mesure où ce sont les cantons qui se mettent à légiférer, ce qui a pour effet la banalisation du suicide assisté qui prend aux yeux de tous l’allure d’une institution. Les lois votées par les cantons font croire que le débat est clos alors que rien n’est réglé au plan pénal, donc national. Pendant ce temps, la Suisse renvoie à l’extérieur cette image truquée d’un pays démocratique qui se serait muni de lois sur le suicide assisté alors qu’il n’en est rien.


En fait, les cantons n’ont légiféré que sur des points périphériques, comme l'accès des organisations d'assistance au suicide aux hôpitaux publics. Ces garanties anecdotiques entretiennent une illusion de droit et ne comblent en rien le vide juridique au plan pénal. Même votées « par le peuple », ces lois cantonales viennent fragiliser une législation déjà bâtie sur du sable. Elles font illusion auprès du citoyen moyen qui a été abandonné à la désinformation par nos autorités.


L’orientation décisive sur laquelle nous devons nous déterminer en matière de politique de fin de vie touche à des enjeux de vie et de mort qui n’échapperont pas au Code pénal, alors qu’il reste la compétence exclusive des Autorités fédérales et non des Cantons.

Légiférer, quels risques


Nos autorités craignent que légiférer au plan fédéral ne donne un statut et une légitimité aux associations d’aide au suicide. Ces associations sont pour l’instant dans la liberté d’exercer. Or, nos autorités fédérales pensent qu’il serait pire de les encadrer par une législation spécifique qui finirait par leur garantir le droit d’exercer. Cependant, cela entraînera pour l’État l’obligation de veiller au respect de ce droit. L’État se verra alors amené à veiller non pas seulement à la liberté du citoyen de recevoir l’aide à mourir « sans douleur », mais aussi au droit du citoyen de recevoir cette aide. L’État sera sommé d’y veiller. Ce pseudo droit viendra fatalement se heurter à l’article 10 de la constitution : « Droit à la vie ».


Le Conseil fédéral s’en tient encore à cet argument que tout citoyen qui s’implique dans l’aide à mourir est déjà directement soumis au Code pénal. Légiférer au moyen de lois et de règlements risquerait d’affaiblir la responsabilité individuelle qui se reposerait alors sur de simples réglementations. On verrait vite apparaître une sorte de formulaire officiel d’accès au suicide assisté avec des cases à cocher, ce qui aurait pour conséquence de désinvestir les divers acteurs, tandis que pour l’instant, les responsabilités continuent à reposer sur des personnes.


Malgré ces réserves prudentes, préférer le statu quo demeure très risqué, car pendant ce temps, la pratique du suicide assisté s’installe et dictera bientôt ses propres règles. Nos autorités doivent donc accepter les risques qui font partie du débat démocratique. Or, ce débat n’a pas même commencé et le temps passe : le suicide assisté à grande échelle échappe toujours davantage au contrôle médical et même financier. Sa pratique devient « sauvage » et c’est une bombe à retardement.


Il faudra avoir le courage d’ouvrir le débat sur la suppression pure et simple de la clause du « mobile égoïste » de l’art. 115 CP, à moins de revenir à l’option du Conseil fédéral de 2009 : l’interdiction définitive de l’incitation et de l’aide au suicide organisées. Cette interdiction viendrait alors qualifier toute infraction de crime.

L’association Stop dérives suicide assisté se méfie des « solutions » et se donne ici pour mission de poser les termes du débat, mais sans donner de réponse.


Dans pareille controverse, les enjeux de vie et de mort sont bien trop disputés pour ne pas être documentés, initiés puis encadrés par nos autorités fédérales, sous peine de tourner à la polémique. Les avis opposés devront justifier leurs visées dans le respect des valeurs qui fondent la Constitution et surtout dans le souci de ne pas laisser perdurer le délabrement social induit par les conflits et la division sur une question aussi grave que de donner la mort.

La politique de l’abandon


Dès 2011, nos autorités fédérales ont fait le pari risqué de prendre des mesures visant à « renforcer le droit à l’autodétermination des personnes », notamment autour des enjeux de fin de vie. Une telle politique renvoie brutalement à son entière responsabilité tout citoyen qui demande une aide à mourir : il devra assumer seul l’acte de donner la mort. Or, s’il est sommé d’accomplir le dernier geste par lui-même, c’est simplement dans le but de garantir l’impunité des accompagnateurs au suicide : en présence de témoins, il apporte la preuve que sa mort non naturelle n’est pas le fait d’un meurtre. La transgression du « Tu ne tueras point » qui fonde notre ciment social est brutalement mise sur le compte du citoyen isolé de manière à dédouaner la collectivité. Sauf la « victime », plus personne n’est responsable de l’acte de donner la mort.


En l’absence de courage politique,

On préfère se vouer à la politique de l’abandon.


Le suicide instrumentalisé


De manière à garantir l’impunité de ceux qui participent à l’aide au suicide, le requérant doit donner la preuve de ses pleines capacités de discernement et de motricité. S’il en est incapable, il n’aura pas accès au produit létal.


Ce jeu législatif finit par exclure que le suicide puisse être le fait d’une névrose. Au mépris des conclusions de la science médicale, on décrète ainsi que le suicide ne peut en aucune façon être le fait d’une personne suicidaire en proie à une pathologie mentale. Le suicide est alors instrumentalisé : il n’est qu’un outil législatif qui a pour finalité de lever l’impunité du groupe. Un tel postulat ne respecte pas l’objectivité de la science médicale et semble inventé pour nous affranchir de notre responsabilité envers les plus fragiles.


L’absence de contrôle médical et les abus :


Assujetti à la peur de perdre son accès au produit létal au cas où il perdrait ses facultés, le requérant est mécaniquement poussé à programmer le jour de sa mort toujours plus tôt dans le temps. En conséquence, les associations sont incitées à procurer le produit létal à des personnes qui ne sont nullement atteintes d’une maladie incurable et parfois même en bonne santé. Cet abus scandaleux est de fait avoué par les statistiques qui ont établi que cette pratique pourtant illicite touche près d’un tiers des morts par suicide assisté en Suisse. Voilà comment l’absence de tout contrôle médical ouvre à de tels abus.


La Suisse ne s’est pas munie de législation encadrant le suicide assisté tel que pratiqué de nos jours et la jurisprudence ne peut que se reporter sur les recommandations de l’Académie suisse des Sciences médicales ASSM, notamment la directive No 4.1 du 25.11.2004 « Le suicide assisté n’est licite que si la maladie dont souffre le patient permet de considérer que la fin de vie est proche. » Accorder la mort à une personne qui n’est pas en fin de vie est donc illégal. Croyant pouvoir assouplir dans leur coin les conditions d’aide au suicide, les nouvelles directives 2018 de l’ASSM ont tenté de supprimer cette restriction. Cette dernière est cependant restée en vigueur du fait du veto de la Fédération des médecins suisses FMH du 25 octobre 2018. Ce jour-là, pour la première fois dans son histoire, l’ASSM a été désavouée par la FMH.


Or, le profond désaccord qui affecte l’ASSM et la FMH n’a pas été réglé.

À l’occasion d’une plainte pénale et en l’absence de législation, le juge n’a d’autre solution que de faire appel à la jurisprudence et cette situation inédite l’expose à être partagé entre deux options : soit en référer aux anciennes directives 2004, soit s’en remettre aux nouvelles directives 2018.


Ce doute est intolérable et la situation est grave.


Un actif brut de 29 millions !


Au vu des actifs financiers démesurés déployés par certaines associations, les accuser au sur la base du « mobile égoïste » évoqué par l’art No 115 risquerait de donner un nouveau sursis à cet article suranné qui n’a plus lieu d’être. Il n’en reste pas moins vrai que l’une de ces organisations d’aide au suicide « sans but lucratif » a réussi à provisionner un capital d’une dimension outrageante qui laisse planer le doute sur les réelles intention de l’association : « Sur la base des documents envoyés à l'Assemblée générale, j'ai établi qu’ Exit a maintenant accumulé un actif brut de CHF 29 millions. Qu'est-ce qu'une organisation d'euthanasie fait avec autant d'argent » demande Rolf Sommer. (Der Sterbehilfeverein Exit hat ein Vermögen in Millionenhöhe angehäuft – jetzt stellen Mitglieder und Politiker kritische Fragen, NZZ, 07.05.2019)


Le scandale ne fait que commencer et tout cela ne peut pas durer sans une reprise en mains énergique des autorités compétentes.


Conclusion


La situation actuelle est potentiellement explosive et un débat équitable s’impose. Cependant, on sait qu’à force d’atermoiements autour d’opinions politiques contradictoires, les protagonistes invités à un tel débat se livrent vite à des débordements. La controverse devra donc se faire encadrer par des modérateurs qualifiés et expérimentés afin d’éviter les polémiques qui tournent à l’affrontement et nuisent à la qualité du débat.


La population est profondément divisée sur ce sujet et l’association Stop dérives suicide assisté aura pour vocation de relancer le débat relatif à la pratique actuelle du suicide assisté en Suisse. Notre pays a parfaitement les moyens d’instaurer un message de paix dans ce grave différend qui oppose toujours plus violemment nos concitoyens.


Stop dérives suicide assisté invite donc chacune et chacun à renforcer ensemble notre identité nationale autour d’un consensus sur la fin de vie dans un débat équitable.


Nos autorités ne peuvent plus remettre à plus tard le débat démocratique.

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